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Le feuilleton tonkinois
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22 mars 2009

Les femmes de Tam Coc

La campagne autour de Ha Noi se fait désirer. Il faudra d’abord avaler des alignées de pylônes et de gigantesques panneaux publicitaires montés sur  structures métalliques façon derricks, des kilomètres de tas d’ordures éparpillés le long de l’autoroute. En toile de fond, le vert vif du jeune riz gagne du terrain. Les si jolis chapeaux coniques courbés sur l’eau se multiplient.


Tam_Coc__10_

Après Ha Nam, les silhouettes des premiers rochers dressés se dessinent faiblement dans l’air chargé de vapeur, formes  estompées d’un décor célébrissime. De grosses cimenteries dévoreuses de calcaire sont tapies entre les dents grises. Entourées de pistes et de montagnes de gravier, elles crachent de lourds panaches de fumée. Les pitons les plus proches ne sont plus que chicots. Le paysage est en voie de disparition.

 Au bord d’un chemin, les vélos rutilants de l’expédition nous attendent, déposés par un petit camion qui nous suivait discrètement. Douze sportives cahotent gaiement sur les digues cabossées entre les rizières. Ouie, ouie, mal au dos, mal au fesses. On rembourre les selles comme on peut avec les pulls. Les enfants nous poursuivent de leur cris : Tây ! Tây ! Les occidentaux ! Pas de voitures sur ces routes secondaires, quelques motos, quelques rares camions. L’activité économique est plus loin. Ici, les villages déroulent leur vie tranquille presque comme autrefois. 

 Hoa_Lu__9_

Routes et chemins serpentent entre les pinacles. De temps en temps, un marché, une pagode ou un temple avec ses groupes de petites femmes insistantes qui, nous harcèlent en secouant des poignées d’euros. Futées ou suppliantes pour arracher un change, un échange, un minuscule bénéfice. On se regarde, on se sourit, on hésite.

Embarquement à Thang Nung sur des barques à deux places. Une femme rame et l’autre debout pousse la perche. Joviales, causantes, souriantes, mais quand nous croisons des français qui reviennent, ils nous préviennent : « Elles seront beaucoup moins sympas au retour quand vous ne leur aurez rien acheté ! » On glisse sur un canal lisse aux eaux chocolatées entre deux rives envahies d’herbes. Des femmes coiffées de chapeaux Non, les pantalons remontés sur les cuisses s’activent dans la boue. Une vie entière les pieds dans l’eau à sarcler les parcelles, planter et repiquer le riz, traiter les nouveaux plants, remonter les filets de pêche ou laver le linge.  Et des femmes, toujours des femmes pour ramer sur les barques, pour vendre leurs travaux de broderie, pour charrier des briques, du sable et du ciment. Des bêtes de somme qui sourient, qui implorent ou qui réclament.

 
Hoa_Lu__11_

Elles nous enveloppent de leur sollicitude. Elles veulent tout savoir sur nous : notre âge, combien nous avons de filles et de garçons, la profession de notre mari, où nous vivons, depuis et pour combien de temps nous sommes au Viet Nam et ce que nous y faisons. Elles nous endorment de leur intérêt, de leur prévenance.

 
Thung_Nang__28_

Elles préparent les fils de la toile qui nous prendra, petites mouches étonnées et gênées de tant d’attention. Comme elles sont exemplaires et dures à la besogne ! Et au débouché de la dernière grotte, la mouche en otage sur son banc instable, elles étaleront sous nos yeux atterrés les nappes à jours, les tableaux au point lancé, les roses criardes et les scènes paysannes maladroites.

 Et chacune d'entre nous réagira comme elle pourra. Insensible ou culpabilisée. Agacée ou touchée. Fine mouche ou mouchée. Le fines mouches s’éloigneront en riant sous cape de la manne de ti-shirts piteusement présentés par les mouchées.

 Etrange et frustrante rencontre entre femmes. Femmes comme nous, mais si loin de nous. Langue, éducation, quotidien, qu’avons-nous en commun ?

Thung_Nang__21_  

 

 

 

 

 

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Commentaires
B
tu as reçu mon mail ????
S
C'est une vision difficile que tu nous donnes à voir là... honnêtement, je crois que cela me donne l'envie de fuir dans l'autre sens...et pourtant tu poses une question de plus à la fin.<br /> Oui, il semble à te lire, que nous avons plus à voir avec les femmes d'Afrique, qu'avec celle de l'Asie. En tous les cas, en ce qui me concerne. Je n'ai jamais ressenti un truc pareil avec mes comparses d'ici. D'autres choses, c'est certain, mais ça, non jamais. Je me suis toujours sentie une soeur.
S
C'est une vision difficile que tu nous donnes à voir là... honnêtement, je crois que cela me donne l'envie de fuir dans l'autre sens...et pourtant tu poses une question de plus à la fin.<br /> Oui, il semble à te lire, que nous avons plus à voir avec les femmes d'Afrique, qu'avec celle de l'Asie. En tous les cas, en ce qui me concerne. Je n'ai jamais ressenti un truc pareil avec mes comparses d'ici. D'autres choses, c'est certain, mais ça, non jamais. Je me suis toujours sentie une soeur.
C
continue, j'adore ; raconte, raconte, raconte et <br /> bises
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