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Le feuilleton tonkinois
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20 janvier 2014

Après le cyclone

Hier la journée a commencé comme une journée des îles, une vraie avec l’atmosphère douce, la mer étale et le ciel lisse.

Ballet des jardiniers qui raclent le sable consciencieusement de leurs râteaux et le tamisent pour ne laisser aucun débris végétal ni poussière de corail qui pourrait blesser les pieds du client chouchouté. Après la moiteur bleue-grise des jours précédents, la mer opaque rebroussée sous le vent du nord-est, voici une journée d’immobile chaleur où un petit chien jaune indolent vient se réfugier sous ma chaise longue et retrousse ses babines si un congénère ose venir en demander autant.

De tout le village s’élève les martèlements des réparations sur les toits. L’île s’est réveillée de sa pénitence et chacun s’agite à reconstruire, retrouver ce qui est perdu. Dans la concession voisine où chaque jour les progrès sont visibles, il y a une petite dame éplorée qui montre une cabane enveloppée d’une bâche de la croix rouge américaine et à côté la dalle de ciment qui était sa maison. Au bout de la plage, il y a Ramon qui avait un restaurant : quinze ans pour le construire et tout est parti en deux heures. Il a monté un hangar de tôle et dressé quelques tables de plastique à la va-vite pour ne pas perdre la saison. Il y a, surplombant une crique où personne ne vient par superstition, le cimetière avec des plaques fêlées aux noms espagnols dont les ombrières protectrices sont parties à la mer.

 

Cyclone Yolanda à Malapascua

 

Depuis cinq jours deux hommes en short de plage et pieds nus, accrochés sur une charpente qui dépasse le mur clouent sans relâche. Le travail est lent, on ne voit guère de progrès mais heure après heure, dès le lever du jour, un tee-shirt noué sur la tête pour se protéger du soleil, ils sont là, accroupis sous les ondées fréquentes, sous les grains. Ils scient, ils plantent, ils bavardent amicalement entre deux avec le personnel de l’hôtel qui vaque de l’autre côté du mur.

Le terrain qui entoure les bâtiments à un étage de l’hôtel change constamment. Il se transforme d’heure en heure un peu plus en jardin. Des allées apparaissent, limitées par des butées recouvertes de gazon ras en plaque, des centaines de plantes sont installées en rangs serrés. Hier les jardiniers ont fait la toilette du banyan hirsute qui encombrait l’escalier pour monter aux chambres. Ils l’ont deshabillé de ses racines tissées en paquets comme la chevelure d’un noyé emmêlée de sel et de sable, ont raccourci ses moignons martyrisés et il a retrouvé un air coquet avec ses pousses qui l’entourent de la tendresse de leur vert nouveau. Les souches des cocotiers cassés sont extraites morceau par morceau comme de mauvaises dents cariées, palmiers, orgueils de chine, bambous et badamiers surgissent du sol comme par magie, des rangées de gardénias et d’aloès s’ordonnent au pied des murs et dans les recoins, les cicas ont tous lancé vers le ciel une couronne de feuilles fraiches pour oublier les anciennes qui pendent grillées et lamentables le long des troncs. 

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