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Le feuilleton tonkinois
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20 avril 2009

Arrêt sur image

Je roulais un peu tendue. L’avenue qui remonte le long du lac Hoan Kiem est large et très empruntée surtout aux heures de sortie d’école ou de bureau. J’ai entendu dans mon dos le klaxon intrusif et arrogant de motos décidées à rouler plus vite que le flot. Ils arrivaient du bas de l’avenue, le bruit slalomait dans mon dos. Au moment où j’ai jeté un œil rapide dans mon rétro pour les localiser, j’ai entendu une collision derrière moi sur la gauche. Un choc bref entre plastique et métal. Aucun cri. Dans l’espace vibrant du miroir j’ai vu s’envoler deux corps enlacés. Projetés en l’air, précédant leurs cheveux dans un arc horrible et gracieux. Un couple de lycéens en blanc et bleu marine. Leurs corps mous et lourds comme deux pantins que l’on jette se sont écrasés à plat dos sur le bitume. La tête peut-être a porté d’abord. Ils n’ont plus bougé.

 Dans un rugissement de moteur, trois motos de touche-pédales sans casque m’ont dépassée. Le premier passager a hélé frénétiquement les suivants pour leur intimer de ne pas s’arrêter. Sans état d’âme. Ils se sont fondus dans la circulation. Les corps sur le sol ont perdu de leur netteté et ont disparu de mon rétroviseur.

 Quand j’essaie de comprendre ce que mes yeux ont vu, mon cerveau s’y refuse.  Il n’y a pas de sens à cette image circonscrite exactement dans les limites du miroir. Mon conscient aimerait la classer comme rêve, mais l’inconscient le lui interdit. J’ai vu ce que j’ai vu, même si c’est inconcevable. Cette projection de deux corps privés de poids par la violence du choc. Ces pieds qui quittent le sol et cette courbe inimaginable qui finit brutalement sur le goudron. Cette très brève apesanteur des corps que conscience et âme semblaient avoir quittés avant même le deuxième impact.

 

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