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Le feuilleton tonkinois
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12 septembre 2008

Ambiances

La première sensation du matin est artificielle. La nuit climatisée ne livre aucune indication sur le jour qu’il fera. Aujourd’hui pourtant les grondements insistants du tonnerre couvrent le ronron du moteur. Une autre journée troublée par les pluies s’annonce. Le carrelage blanc et brillant est frais sous les pieds, mais dès que la porte de la chambre est ouverte, c’est une autre chanson. Les moites molécules de l’air tropical couvrent instantanément la peau d’une pellicule gluante. Léger relent de moisi et de renfermé.

Entre le ciel et moi les courbes piquantes des frondaisons des palmiers d’Arec comme un plafond végétal, entre tout horizon et la vue, les constructions voisines imbriquées les unes dans les autres. Un entassement de hautes maisons étroites à deux ou trois étages. Il faut se satisfaire de cet univers clos de fenêtres sur cour, gage de silence relatif et de tranquillité. Passées les grilles de nos impasses, les bruits commencent, aboiements de chiens, coups de marteaux, appels et conversations, ronflements des motos, et en trame de fond les klaxons agressifs étouffés par l’éloignement. 

Ce matin café-rencontre de l’amicale des francophones. Je trouvais ma maison grande et presque démesurée. Mais je n’avais rien vu. A To Ngoc Van, quartier des expatriés, il y a de très hollywoodiennes maisons à l’architecture et l’agencement soignés. Hautes grilles vert sombre aux entrelacs audacieux donnant sur des cours dallées agrémentées de multiples pots fleuris. Ici pas de fils électriques cafouilleux en faisceaux hasardeux et inesthétiques, pas d’ordures oubliées ni de chaussée défoncée, pas de grouillement humain (ou animal). Un autre monde qui sent l’aisance et l’ordre, l’organisation et l’argent. L’intérieur est à la hauteur. Le salon où se tiennent les femmes d'expat doit avoir une superficie de quatre-vingt dix mètres carrés, au sol un ancien plancher sombre de bois exotique (ou une imitation), le plafond à cinq mètres de haut est soutenu en toute simplicité par des colonnes à feuilles d’acanthes. Un piano demi-queue occupe à peine l'espace.

L'organisation est affable et impeccablement rôdée. Prise en charge de la novice, sourires et poignées de main pour les nouvelles, bises et rebibises pour les anciennes. La table croûle sous les petits fours, les cookies, les plateaux de fruits épluchés prêts à grignoter. La vaisselle de fonction rutile. La maid en tablier blanc s'active discrètement. Je pense au texte sur les femmes d'expat de Singapour. Il pourrait avoir été écrit pour ici. Toutes pareilles et interchangeables alors ? ça fait frémir.

 

 

maison à To Ngoc Van

 

 

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